Comment se comporter avec un client, comprendre les contraintes du back-office, mieux s’exprimer, savoir gérer un conflit ? La Delivery Academy a conçu pour des profils en rupture, des formations de livreur du dernier kilomètre pour maîtriser la relation client. Des candidats qu’elle sélectionne et forme pour les entreprises. (Photo A.Siebert – Delivery Academy / TousFacteurs DR)
Les chiffres du e-commerce ne cessent de grimper. La pandémie a favorisé la livraison à domicile… En quelques mots, la livraison du dernier kilomètre est en pleine croissance, et cela n’est pas près de s’arrêter. Augustin Doumbe s’est engouffré dans cette tendance en mettant des livreurs à disposition des entreprises qui gèrent ce dernier kilomètre. Mais il s’est rapidement heurté à un obstacle qui l’a empêché de croître : le manque de formation des employés. Il a décidé de combler cette lacune en créant en 2018 Delivery Academy.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit nullement d’apprendre aux futurs livreurs à pédaler sur un vélo ou un triporteur, à maîtriser un scooter ou à conduire une camionnette. « Ils n’ont pas besoin de nous pour ça, rappelle le fondateur de la start-up. Ce que nous enseignons, c’est l’expérience client, la façon de fidéliser un client en 30 secondes de livraison. D’autant que le livreur est souvent le seul être humain que le consommateur voit réellement dans son parcours client ! »
Accompagner le recrutement ou mettre à disposition des profils
80% de l’activité de la Delivery Academy repose ainsi sur deux offres. La première, l’offre Carrière, consiste à d’abord accompagner les entreprises avec des besoins identifiés, pour recruter des profils avec Pôle Emploi puis à former ces personnes sélectionnées. La deuxième offre appelée Premium, s’adresse aux transporteurs qui ont peu de visibilité à moyen terme sur leur activité et leurs besoins en personnel. Delivery Academy recrute des livreurs en CDI, les forme durant un mois et demi et les met à disposition de l’entreprise à laquelle ils sont facturés pendant 4 mois et demi. « C’est l’équivalent d’un contrat pro de 6 mois. Les livreurs sortis de cette formule travaillent pendant 4 mois et demi avec l’entreprise. Au bout de la période, ils en connaissent les valeurs, insiste Augustin Doumbe. Cela devrait leur ouvrir les portes d’un CDI voire leur donner une possibilité d’évolution en tant que chef d’équipe ou préparateur. »
Ce que nous enseignons, c’est l’expérience client, la façon de fidéliser un client en 30 secondes de livraison. D’autant que le livreur est souvent le seul être humain que le consommateur voit réellement dans son parcours client ! Augustin Doumbe, fondateur de Delivery Academy
Delivery Academy a proposé ce dernier dispositif à Pôle Emploi comme une piste de sortie de la précarité. « Nous avons un ADN sociétal très fort, affirme Augustin Doumbe. Nous voulons sortir de la précarité des personnes en rupture , leur expliquer qu’ils sont capables d’être les meilleurs et les équiper pour les insérer dans le monde du travail. »
Une sensibilisation pour les autoentrepreneurs
La jeune pousse n’oublie pas les autoentrepreneurs, nombreux dans les métiers de la course et du dernier kilomètre. Pour eux, elle a prévu une sensibilisation au sujet du parcours client en 2 heures d’e-learning pour 19,90 euros. « Le prix de deux kebabs, plaisante Augustin Doumbe. Il est important qu’ils payent. C’est une façon de valider le sérieux de leur démarche. » Delivery Academy sélectionne les autoentrepreneurs qui suivent ensuite le programme. « Et nous les plaçons auprès de start-ups responsables alors que la plupart du temps, ils travaillent pour Deliveroo ou Uber Eats. » Pour l’instant, l’entreprise teste cette formule avec deux jeunes pousses du dernier kilomètre, Tousfacteurs et Urb-it. La plate-forme paye 59,90 pour la formation. Enfin, une 4e formation permet de devenir chef d’équipe ou manager opérationnel. « Ces métiers imposent un management opérationnel très fort, explique Augustin Doumbe, car il y a souvent des problèmes durant une course. »
Au programme, contexte du marché, digital, français, communication et posture…
La formation est constituée de 9 modules d’un total de 210 h. Au programme, une présentation contextuelle du marché dans lequel le candidat va évoluer, des bases de français et d’anglais, mais aussi un module sur la confiance en soi, pour les profils concernés, souvent en rupture. Côté digital, le cursus couvre les principales apps de livraison, de dispatching. « Nous entrons aussi dans les détails du mécanisme de dispatch pour que les futurs livreurs comprennent ce qu’on leur demande, et ne croient pas que certaines directives relèvent de l’acharnement, explique Augustin Doumbz. Il s’agit de leur donner les éléments de compréhension pour qu’ils se plaignent moins de leurs tournées. »
La communication et la posture sont aussi abordées, tout comme des éléments juridiques sur les constats, les conflits avec les clients et des éléments de code de la route. Le dernier module s’attarde sur l’expérience client en tant que telle. Il s’agit de savoir comment réagir si le client est pressé ou mécontent, par exemple. « Il faut savoir quel comportement adopter, de la 1ère à la 70e commande de la journée, sous la pluie comme sous la neige, » résume le fondateur de la start-up. Quant aux formateurs, ils sont recrutés soit pour leur expérience dans le transport ou la logistique, soit pour leur motivation et leur capacité à bien parler du sujet.
Une première promotion en octobre 2020
Delivery Academy cible les transporteurs, les entreprises avec des besoins de livraison, les plates-formes, les start-ups, etc. Elle compte pour l’instant deux PME clientes. GSG Transports Express travaille depuis le début avec la jeune pousse et Ecolotrans recrute une partie de la promotion en cours de formation.
Reste qu’aucun livreur ne peut investir plusieurs milliers d’euros dans une formation. Il en va souvent de même pour les entreprises, selon Augustin Doumbe. « Nous avons donc travaillé avec les OPCO (opérateurs de compétence) et Pôle Emploi pour que nos formations soient agréées et que son coût soit de zéro. » Créée en 2018, la start-up a donc d’abord géré cette barrière administrative à l’entrée et n’a lancé ses premières formations que cette année. Après un premier essai à distance, la première formation Premium en présentiel a débuté le 5 octobre avec 11 personnes (photo). En 2021, la start-up espère former jusqu’à 1000 livreurs.
Emmanuelle Delsol