Les grandes banques américaines et européennes renforcent leurs recrutements de spécialistes de l’IA. BNP Paribas et, dans une moindre mesure, Société Générale tiennent leur rang dans la compétition mondiale… mais doivent s’attendre à un renforcement de la concurrence sur leur place forte : Paris. (Photo : R.Fléchaux)
Avec ses masses de données et ses processus dématérialisés, la banque est une cible de choix pour l’IA. Logique donc de voir les sociétés se lancer dans une course aux armements en la matière, via des investissements technologiques, des organisations dédiées, mais aussi des recrutements. Ce sont ces critères que scrute le cabinet britannique Evident. Après avoir publié le niveau de maturité de 23 grandes banques en matière d’IA via un indice synthétique, ce dernier se penche plus spécifiquement sur les efforts du secteur en matière de recrutement de profils spécialisés dans le domaine.
Parmi les 60 plus grandes banques nord-américaines et européennes, c’est JPMorgan Chase & Co qui mène le bal. A elle seule, la banque new-yorkaise a publié, entre février et avril 2023, plus de 3 600 offres d’emploi ayant un lien avec l’IA, devançant Citigroup (2 100) et Deutsche Bank (1 295). Si aucun établissement français ne se hisse dans le top 3, BNP Paribas échoue au pied du podium, en 4e place, avec 1 202 postes ouverts sur les trois mois considérés. Elle confirme au passage ses ambitions en la matière (la banque occupait une place dans le top 10 de l’indice de maturité publié par Evident en février). La Société Générale arrive non loin derrière. Les deux établissements atteignent ou flirtent avec la barre des 1% de leurs effectifs affectés à des tâches relatives à l’IA ou la data. Crédit Agricole et, plus encore, BPCE et Crédit Mutuel apparaissent assez nettement distancés. Aucun des trois ne dépasse la barre des 500 compétences spécialisées, là où BNP Paribas en aligne déjà plus les 1700, selon les estimations d’Evident.
Vivier français de compétences : JPMorgan débarque
« Les compétences françaises en matière d’IA sont massivement centralisées en Île-de-France. Et 94 % d’entre elles travaillent pour des banques françaises », observe Alexandra Mousavizadeh, la fondatrice et Pdg d’Evident. Un pourcentage particulièrement élevé parmi le top 5 des villes où se concentrent les compétences en matière d’IA. Paris est la cinquième place forte en la matière dans le monde, derrière New-York, Londres, Toronto et Bangalore.
« Cependant, le recrutement de spécialistes en IA dans le secteur bancaire progresse rapidement, et avec des banques comme JP Morgan Chase & Co, qui a récemment annoncé la création d’une équipe de recherche en IA à Paris, le panorama français est certainement à suivre de près dans les mois à venir », précise la fondatrice du cabinet. Autrement dit, les banques françaises doivent s’attendre à un renforcement de la concurrence en matière d’accès aux compétences spécialisées sur leur marché domestique. Un phénomène que connaissent déjà les établissements britanniques, qui, à Londres, subissent la concurrence de JPMorgan Chase, Bank of America ou Citigroup. D’autant que, pour près de la moitié de leurs recrutements, les banques débauchent chez leurs concurrents ! Un chiffre qui témoigne de la lutte à laquelle se livrent les grandes entreprises du secteur pour bâtir ou renforcer leurs équipes d’IA.
IA générative : un frémissement, pas un engouement
Selon Evident, les recrutements des 60 plus grandes banques nord-américaines et européennes sur le créneau de l’IA ont progressé de 4% entre octobre 2022 et avril 2023, bien que nombre de ces établissements aient enclenché des réductions de personnel sur cette période. Le cabinet estime que les 60 banques en question emploient désormais 46 000 personnes dans les développements autour de l’IA, dans l’ingénierie et la gouvernance autour de la donnée.
Le rapport d’Evident permet également de ramener le phénomène de l’IA générative à sa juste place. Moins de 2% des récentes annonces pour des postes relatifs à la data ou à l’IA font référence à ce terme, aux LLM (Large Language Models) ou à ChatGPT. « Il est encourageant de constater que les banques privilégient la prudence en ce qui concerne l’IA générative, plutôt que de se laisser entraîner par le buzz autour de ChatGPT, estime Annabel Ayles, cofondatrice et directrice opérationnelle d’Evident. Alors qu’elles identifient et testent différents cas d’usage au sein de leurs divisions, elles ont besoin de personnes qui comprennent vraiment la technologie qui sous-tend les modèles d’IA générative et savent comment les intégrer dans leurs produits. Mais cela pourrait prendre des mois, voire des années, avant que ces outils ne passent en production. »