Dès le début de la pandémie, les DRH ont dû assumer le passage au télétravail d’un côté, la protection sanitaire sur site de l’autre. Et encore aujourd’hui, ils font face à une question jusque là rarement abordée : la santé mentale des collaborateurs. En 2021, ils vont tenter d’organiser cette nouvelle normalité. Retrouvez également les replays de nos deux émissions de 2020 consacrées aux DRH face au Covid-19, et à la marque employeur. (Photo J.Konsang Pixabay)
Dès le mois de mars, les DRH se sont retrouvés en première ligne dans leurs entreprises, face au Covid-19. Protection sanitaire des collaborateurs contraints de travailler sur site, passage brutal à un télétravail à 100% quand c’était possible, plongée dans des effets parfois positifs, parfois dévastateurs de ces démarches, accélération de la digitalisation et de la collaboration, etc. Désormais, après déjà deux confinements et une pandémie toujours active, ils s’adaptent à un « nouveau normal » dans leur quotidien, pour la formation, le recrutement, l’intégration de nouveaux arrivants, l’organisation des bureaux et des postes de travail, etc. Et ce sera toujours le cas en 2021, dont nous savons désormais qu’elle n’apportera que peu de certitudes.
Dès le mois de juin, nous avons évoqué les bouleversements que cette pandémie a imposés aux équipes et le rôle central joué par les DRH. Nous avions alors reçu dans notre émission « Covid-19, les DRH en première ligne, quelles leçons pour l’avenir ? », les DRH de Nickel, de Safran Helicopter Engines, la présidente de l’ANDRH, le directeur de l’executive education à l’École des Ponts, la directrice de la formation et du développement de Keolis et le psychologue du travail et président d’Empreinte Humaine. Ils ont évoqué sans far le poids qu’a fait peser sur eux la pandémie. Ils ont assumé des fonctions organisationnelles pour protéger les employés contraints à travailler sur site ou soudain 100% à distance. Ils ont dû adapter leur quotidien de formation, de recrutement, d’intégration, etc. Mais ils ont parfois aussi dû s’immiscer dans la vie de leurs employés pour s’assurer de leur bonne santé psychologique. Du côté positif, ils ont néanmoins vérifié leur capacité d’adaptation et accéléré une transformation numérique qu’ils appelaient, pour beaucoup, de leurs vœux.
Pratiquement, ils ont été à la manœuvre pour assurer une sécurité sanitaire hors norme à une période où masques et gel hydroalcoolique étaient tout aussi obligatoires qu’introuvables. En quelques jours, ils ont passé en télétravail à 100% les employés qui pouvaient exercer leur charge à distance. Comme l’a expliqué par ailleurs à Enjeux Logistiques, Bertrand Bompas, directeur général logistique France du logisticien alimentaire Stef, même des techniciens de maintenance ont pu travailler de puis chez eux.
Télétravail et sécurité sanitaire sur site
Le numérique s’est invité très vite dans la connectivité, mais aussi la collaboration et le maintien du lien. Les outils collaboratifs, en tête desquels la visioconférence de Zoom ou Teams par exemple, se sont fait une place de choix. Nos confrères du Monde Informatique s’en sont fait l’écho tout au long de l’année. En toute logique, parmi les entreprises déjà rompues au télétravail et qui ont passé le cap rapidement, on a retrouvé celles de ce monde du numérique. C’est ce que nous ont expliqué les DRH Anne-Christine Maisonneuve, de NTT France, Caroline Arquié de SGS France ou Stéphanie Auchabie de Quadient. Mais d’autres ont rivalisé d’imagination autant pour s’organiser que pour garder le contact. À la MSA, protection sociale du monde agricole, un chargé de mission innovation et une responsable communication ont lancé une émission de radio interne en quelques jours.
Mais finalement, cette partie technique et organisationnelle n’a pas toujours été la plus complexe. Peur de la maladie et de la mort, solitude, stress liés aux enfants, stress liés à l’organisation en télétravail, angoisse vis-à-vis de la perte d’emploi… En avril, le cabinet Empreinte Humaine identifiait un salarié sur deux en détresse psychologique. Une situation qui continue de s’aggraver et qui a pris les DRH au dépourvu. Quand et comment prendre des nouvelles ? La solution est-elle vraiment dans le numéro vert pour une assistance psychologique ?
Une incursion contrainte dans la santé mentale et la vie privée
La pandémie a ainsi poussé beaucoup d’équipes RH dans des rôles qu’elles n’avaient jamais tenus. Jusqu’où aller pour s’assurer que les équipes, à distance particulièrement, fonctionnent et se sentent bien ? Distinguant télétravail et confinement, Caroline Arquié, DRH de SGS France, estime par exemple qu’en « télétravail, les salariés sont sereins, moins fatigués, plus productifs. Ce n’était pas le cas en confinement ». Comment s’assurer que les collaborateurs ne subissent pas trop de stress, de solitude ? Font-ils des pauses, s’alimentent-ils correctement ou ont-ils une activité physique ? Et cependant, comment prendre soin sans s’immiscer trop dans leur vie privée ? Audrey Richard, présidente de l’ANDRH et DRH de Up Groupe a partagé les difficultés des DRH face à ses questions dans notre émission Covid 19, le DRH en première ligne.
Recrutement, intégration, la vie professionnelle continue
Dans certains secteurs, comme le numérique ou la logistique, le recrutement et l’intégration de nouveaux employés a perduré et se sont donc adaptés. C’est ce que nous a détaillé dans un long entretien Pierre-Henri Havrin, DRH de Nickel, mais aussi Sarah Ben Allel, DRH de la néobanque Qonto, lors de son passage dans notre émission sur la marque employeur. Côté formation, Gruau a par exemple mis en place la solution Edflex. Clara Jakubik directrice de la formation et du développement du groupe Keolis a, quant à elle, décrit en détail, dans notre émission sur les DRH en première ligne face au Covid (à 1h15), les moyens qu’elle a déployés en très peu de temps pour adapter son contenu, du présentiel au distanciel, mais bien plus encore. Pour ce faire, elle a en particulier accéléré son processus de choix et de validation d’outils.
Pour s’emparer rapidement des aspects purement gestionnaires des retours sur site, des acteurs comme Workday et IBM ont rapidement proposé des packages articulant gestion du capital humain et IA. Les acteurs de l’IoT Valley ont également proposé leurs solutions. Plus étonnant, Suez et Hesus ont coopéré pour protéger les salariés des chantiers avec des bennes connectées remplaçant les échanges de papier par un circuit d’information sans contact. Autant de dispositifs qui, en 2021, perdureront avec l’alternance entre confinements plus ou moins stricts, télétravail partiel ou total, etc.
2021, année de l’IA dans les RH ?
Mais pendant la pandémie, les RH ont aussi continué d’évoluer. Ils ont plus que jamais inscrit la marque employeur au programme comme nous l’ont détaillé les invités de notre émission du 8 décembre 2020 « DRH, comment développer la marque employeur ? » avec Qonto, l’Armée de terre, l’IAE Lyon et Choosemycompany (replay de l’émission). En 2021, ces priorités reprendront leurs droits. Et la digitalisation, dopée par l’adaptation au covid-19, s’est accélérée. En fin d’année, l’absorption de Slack par Salesforce a scellé un inévitable rapprochement entre la collaboration entre employés et la relation client. L’IA en particulier continue de s’immiscer dans les RH remplaçant certains emplois, pas de doutes, mais en accompagnant d’autres.
Les DRH savent qu’ils doivent s’habituer à ces transformations. Même lorsque la pandémie sera terminée, le travail ne sera plus le même. D’autres épidémies peuvent de nouveau frapper et pousser à disposer d’une organisation plus flexible. Beaucoup ont goûté à des modes de fonctionnement différents auxquels elles ne pensaient pas pouvoir s’adapter. En 2021, les DRH tireront les leçons de cette année difficile pour s’organiser différemment, en pesant le pour et le contre du télétravail, de la protection sur site, des bureaux flexibles, etc. tout en reprenant leur indispensable quotidien.
Emmanuelle Delsol